JC LEFRANC : « CA N’A ETE QUE DU BONHEUR… »

Publié le 23/07/2024

APRES VINGT ET UNE SAISONS COMME CTDA, JEAN-CLAUDE LEFRANC A CHOISI DE FAIRE VALOIR SES DROITS A LA RETRAITE.
VINGT ET UNE SAISON MARQUANTES, AU SERVICE D’UNE PASSION, L’ARBITRAGE.
ENTRETIEN…

Jean-Claude, après 21 saisons comme CTDA, tu viens de quitter tes fonctions. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
Tout d’abord, dans l’année de mes 64 ans, je suis éligible à la retraite. Ensuite, comme dans toute activité, il faut éviter de faire l’année de trop donc savoir s’arrêter. Surtout à ce poste de CTDA énergivore et « bouffeur » de temps. Enfin, j’ai été élu à la Présidence de l’Union Nationale des Arbitres de Football (UNAF) en 2020. Je sollicite le renouvellement de mon mandat et, aspirant également à représenter les arbitres au prochain COMEX de la FFF fin 2024, j’aurais besoin de plus de disponibilité pour mener à bien ces missions si je suis réélu dans la première et élu dans la seconde. Le bon moment est donc venu pour mettre un terme à ma vie professionnelle.

On se doute que tu ne vas pas aller à la pêche les week-ends… c’est quoi la suite dans le football pour Jean-Claude Lefranc ?
En tant que Président de l’UNAF, je n’ai de cesse d’aller à la pêche… aux adhérents. Mon rôle est bien de convaincre nos arbitres à s’unir en rejoignant les rangs de notre association. Les rassembler, les protéger, les fidéliser et les représenter dans les instances sont les raisons d’être de notre UNAF. L’animation des quatre vingt onze sections départementales, dix-huit sections régionales dont cinq d’outre- mer, gérée uniquement par des bénévoles, occupe bien les journées. Attaché au principe de se souvenir d’où on vient et de ceux, les anciens, qui vous ont aidé à gravir les échelons, je vais continuer à participer à la vie de l’arbitrage de notre District, en apportant mon aide à Laurent Chabaud, le président de Commission d’arbitrage. Partager mon expérience, prodiguer des conseils aux arbitres en restant à leur contact et poursuivre ma mission d’observateur, y compris dans celle des arbitres fédérales féminines, me motive toujours. Je n’aurais donc pas le temps de m’ennuyer.

Et en dehors du football, c’est quoi les projets ?
Pour le peu de temps restant en dehors de l’activité liée au sifflet, dégagé des obligations professionnelles quotidiennes, je vais pouvoir profiter des bienfaits de la vie et un peu plus des miens, à savoir ma famille et mes amis. 

« JE ME REJOUIS ENFIN DU CLIMAT APAISE DANS LES RELATIONS AVEC LES ELUS, LES CLUBS ET LE CORPS ARBITRAL… »

On revient sur tes vingt et une années au district. De quoi es-tu le plus fier ?
Sans doute d’avoir permis à un certain nombre d’arbitres de progresser et de gravir les échelons un à un.  A cet égard, lorsqu’on connaît la difficulté pour accéder à la Fédération, au moment de quitter ma fonction, je suis heureux de voir que l’arbitrage de notre District est très bien représenté à tous les niveaux de la Fédération avec dix huit arbitres. Compter de surcroît parmi l’élite fédérale quatre têtes d’affiche qui sont issues de la filière classique :  Jérémie Pignard (international), Toufik Aï Hammou (Fédéral D1 Futsal), Eddy Rosier (Fédéral Ligue 2), Cédric Favre (Assistant Ligue 1). Sans oublier à cette vitrine les promotions récentes de nos deux premières arbitres Fédérales féminines : Cyndelle Aggoune et Marie Prignon…

Au-delà de l’aspect purement technique, d’autres satisfactions ?
Oui, je me réjouis enfin du climat apaisé dans les relations avec les élus, les clubs et le corps arbitral. Si j’ai pu y contribuer en faisant mieux connaître et accepter l’arbitre dans notre District, je n’aurais pas raté ma mission dans cette dimension relationnelle à ne pas occulter. 

Donne nous trois souvenirs marquants -mais pas plus- ?
Le rappel à l’ordre écrit du Président du District de l’époque dont j’ai fait l’objet, pour avoir, il y a plus de 15 ans, laissé les locaux un peu en désordre après avoir un peu trop fêté les promotions de nos jeunes arbitres en Ligue. Depuis, le souci est réglé, l’UNAF Lyon et Rhône a pris le relai de cette belle initiative de mettre à l’honneur, chaque fin de saison, les promus en Ligue et FFF. Aussi la mise en place du stage hivernal de deux jours au Lac des Sapins à partir de 2007. Lequel est devenu un rituel pour nos arbitres D1 et je n’oublie pas cette image de « carte postale » les voyant revenir du footing matinal tout blanc tant il avait neigé. Justement, lors de l’un de ces stages D1, il me revient cette grosse frayeur lorsqu’un stagiaire n’était plus dans sa chambre. En pleine nuit, nous étions partis à sa recherche à l’extérieur, guidés par la lumière de nos portables, pour finir par réveiller tous les stagiaires, et finalement retrouver celui- ci en train de dormir dans la chaufferie. 

« JE N’AI PAS DE REGRETS MEME SI LE CHANTIER DE L’ARBITRAGE EST VASTE ET REDONDANT… »

Ta nomination également avait été « marquante » en son temps. Explique…
Je n’étais pas candidat à ce poste lorsqu’avec Pascal Parent, nous avons milité pour la création de ce poste de CTDA au sein de notre District qui comptait à l’époque cinq cent onze arbitres. Ça me permet d’avoir une pensée pour notre regretté Bernard Saules (ex-arbitre FIFA et représentant arbitres au Conseil Fédéral) qui nous a bien aidé en œuvrant pour octroyer une subvention FFF aux districts comptant plus de 500 arbitres. C’est sur les conseils de Bertrand Layec, dont j’étais l’arbitre-assistant, que j’ai fini par présenter ma candidature. Mon recrutement n’était en revanche pas gagné au vu de mes relations conflictuelles avec Charly Cherblanc, alors président. J’étais en effet leader de la grève des arbitres de 2001. C’est l’occasion d’honorer sa mémoire et de le remercier d’avoir ouvert ce poste de CTDA. Son coup de fil de félicitations pour mon élection à la Présidence de l’UNAF reste pour moi le signe de reconnaissance d’une bonne collaboration.

A contrario, ta plus mauvaise expérience ?
Toute expérience fut-elle mauvaise en est une. Il y en a sûrement eu (…) Celle de voir des arbitres ayant un potentiel d’évolution réel cesser leur activité en est une. Pour les autres, je ne m’en souviens plus.

Un regret ou une chose que te tenais à cœur et que tu n’as pas pu ?
Je n’ai pas de regrets même si le chantier de l’arbitrage est vaste et redondant : recruter, fidéliser, promouvoir (…) Ainsi, chaque année, on recommence les chronophages stages de formation initiale car le turn-over est trop important. Nous perdons chaque saison de quinze à vingt pour cent de nos effectifs). On refait les gammes sans cesse. Il reste à faire, notamment au niveau des référents arbitres dans les clubs afin de mieux sensibiliser ceux- ci à la nécessité de recruter. Avant toute contrainte statutaire, nos clubs doivent aussi porter plus d’attention à leurs arbitres. Des progrès ont été réalisés mais le chemin est encore long pour la pleine intégration des licenciés arbitres dans les clubs.

BENOIT BASTIEN, CLEMENT TURPIN RUDDY BOUQUET, FREDY FAUTREL ET BERTRAND LAYEC…

On sait que tu ne vas pas nous dire que l’arbitrage est mauvais dans le district mais on compte sur ton impartialité et ton objectivité légendaires pour nous donner ton avis sur son niveau global ?
L’arbitrage a clairement progressé car les arbitres se sont investis dans leur mission en prenant conscience de leurs obligations de préparation de matchs et de formation. Ceux-ci sont également en compétitions, comme les équipes des clubs. D’ailleurs, la publication sur le site du District des classements de fin de saison, acceptée par les arbitres, a décuplé leur motivation et les a contraints à redoubler d’efforts afin d’être le mieux classé possible dans la hiérarchie ainsi instaurée. L’indicateur de « performance » reste cependant simple et facile : si on ne parle pas des arbitres à la fin, c’est que tout va bien. Enfin, nous assurons la désignation d’un arbitre dans toutes les catégories seniors. Ce qui n’est pas le cas dans tous les Districts. C’est plus compliqué dans les catégories jeunes où l’effectif est moins pérenne donc plus volatile.

Et au niveau national, quelle est ta vision des choses ?
Le réseau CTRA/CTDA s’est largement bien étoffé depuis 2003 avec des collaborateurs passionnés et investis. Celà a permis de mutualiser les supports de formation initiale (stages de recrutement) et ceux de formation continue sur l’ensemble du territoire. C’est une bonne chose. Il faut juste rester vigilant que cette harmonisation et ces formations prodiguées gardent leur côté humain. La volonté de vouloir développer les formations en distanciel ne doit pas occulter que les arbitres, garants des lois du jeu, sont très souvent seuls sur les terrains. En conséquence, la connaissance de l’homme ou de la femme arbitre à travers les rassemblements de formation en présentiel reste primordial. La mise en place des ETRA (Equipes de Techniciens Arbitrage) dans chaque Ligue reste une bonne idée calquée sur l’organisation DTN/DTR/CTD. La déclinaison dans les Ligues reste liée aux orientations des CRA. Le retard pris dans la nôtre demeure un regret tant la mutualisation des compétences permet d’harmoniser l’organisation de l’arbitrage au plan régional, la formation dans les districts dépourvus de professionnels, de favoriser ainsi l’évolution des arbitres et de contribuer à accroître la motivation des troupes

Une personne qui t’a marqué durant ces longues années et pourquoi ?
Il y en aurait beaucoup à citer tant l’arbitrage m’a permis d’en côtoyer. Sur l’aspect purement technique, quand je vois la passion à transmettre, l’investissement des arbitres de haut niveau en activité tels Clément Turpin et Ruddy Bouquet dans leur ligue, précédés des Benoît Bastien, Fredy Fautrel et Bertrand Layec, je me dis que j’ai eu beaucoup de chance de les côtoyer car j’ai, et nous avons appris à leur contact. Alors, on peut imaginer l’apport pour les arbitres des ligues concernées.

La question que tu aimerais qu’on te pose… et la réponse évidemment ?
Si j’ai été heureux dans cette fonction ? Au vu de ce qui précède, la réponse est claire. Pouvoir faire de sa passion, son métier. Dans mon cas la moitié d’une vie professionnelle. Ça n’a été que du bonheur. Beaucoup en rêve, peu y parvienne. Je mesure cette chance de la vie.

« C’EST VRAI QUE MES « REMONTEES DE BRETELLES » AUX ARBITRES ONT ETE PARFOIS VIVES ET TONITRUANTES… »

Si on te dit que tes coups de gueules vont manquer aux murs du district qui ne trembleront plus, tu nous réponds quoi ?
Chacun sa marque de fabrique et sa méthode non ? C’est vrai que mes « remontées de bretelles » aux arbitres ont été parfois vives et tonitruantes au point de voir surgir dans mon bureau des élus, ou mes collègues de travail de notre District afin de ramener le calme. La réception de sympathiques messages à l’occasion de mon départ, dont ceux d’arbitres ayant subi mes foudres, indique qu’on n’était pas fâché, loin s’en faut.  Puis comme disait Nietzsche « ce qui ne tue pas, rend plus fort » et, finalement, ces arbitres corrigés ont au moins arbitralement grandi.

Quel message souhaites-tu adresser à ton successeur ?
Pas de message particulier. Il connaît le job pour l’avoir exercé pendant 25 ans dans un District voisin. Il a toutes les qualités pour réussir dans notre District où l’effectif arbitres est conséquent. Bien entendu, il apportera sa touche personnelle mais poursuivra dans cette lignée d’exigence et de rigueur afin que nos arbitres donnent le meilleur d’eux-mêmes au service du football départemental. Tous mes vœux de bienvenue -c’est fait-, et mes souhaits de réussite dans ce nouveau Challenge qui se présente à lui l’accompagnent en continuant de porter haut les couleurs arbitrales de notre District.

Le mot de la fin pour toi sans remercier une centaine de personne…
Merci tout simplement à tous ceux qui m’ont accordé leur confiance. A savoir trois présidents du District, Charly Cherblanc, Pascal Parent et Arsène Meyer dont la remise de la médaille Grand Or de notre District fut un geste fort de reconnaissance de sa part. Merci aussi aux trois présidents de CDA : Alain Duhem, Nicolas Meyze et Laurent Chabaud. Merci enfin à toutes celles et tous ceux, bénévoles, qui m’ont supporté et accompagné dans ma fonction, en y associant l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices du District. Elles et ils se reconnaîtront. Je conclurai en citant Saint-Augustin : « Celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui a perdu sa passion. » 

 

Propos recueillis par Denis Dupont

 

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